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  • Photo du rédacteurKarine Hanselmann

le secret de la fleur d'or

Dernière mise à jour : 26 sept. 2018

Essai sur « les commentaires du mystère de la fleur d'or » de C.G.JUNG.

Introduction


Quelles sont les raisons de l'écriture de ce commentaire

En 1928, Richard Wilhelm, missionnaire protestant vivant en Chine avait déjà traduit le Yi King ou Livre de la Transformation qui exprime sous une forme simple, concrète et universelle la sagesse intérieure en utilisant et combinant les différents effets des forces de la nature. Grand ami de C.G Jung il lui adresse un traité taoïste « le secret de la fleur d’or » écrit par un certain Lu Tsou. et lui demande d’en faire un commentaire psychologique en vue d’une édition conjointe.


a) Au moment de la mort de Wilhelm en 1930, Jung à son chevet lui fait la promesse de rendre le I Ching universel.

La première préface du Yi King écrite en 1948 est imprégnée de la crainte de Jung d’être accusé d’irrationalisme, elle figure dans les œuvres complètes.

La deuxième préface qui figure dans le « commentaire » a été écrite en 1949, peu après sa rencontre avec Wolfgang Pauli, éminent physicien quantique qui a calculé et prouvé que l’atome avait une signature spécifique à un moment donné, dans un lieu donné, définition du principe d’exclusion en physique quantique. Pour son travail, Wolfgang a eu le prix Nobel de physique en 1945. Cette rencontre a pour ainsi dire « cautionné » les recherches de Jung ce qui l’a rassuré à tel point que le ton de cette deuxième préface au I Ching est nettement plus affirmatif.


b)La notion de synchronicité[1] y triomphe. Elle est également exprimée très présente dans « le secret fleur d’or" où elle est résumée par la symbolique du Tao[2]. Le Tao est une voie spirituelle qui date du 5ième siècle, avant JC, en Chine. Vivre plus en phase avec sa nature profonde et la nature elle-même, savoir équilibrer ses désirs et ses besoins, faire la paix en soi et autour de soi… Tel est le but du tao, basé sur la recherche de l’équilibre et de l’action juste.


c)Dans le Tao-tö-king, pièce maîtresse de la philosophie taoïste, on trouve quatre-vingt-un préceptes enseignant autant l’art de gouverner que celui de se nourrir ou de gagner en sagesse.

Depuis 1913, C.G. Jung étudiait les processus de l’inconscient. Il se trouvait devant une vaste phénoménologie à laquelle il ne pouvait appliquer ni catégories, ni méthodes. En 1916 il commence à élaborer ce qu’il va nommer « imagination active » en 1933. Il ne cherche pas à présenter un procédé thérapeutique mais sa question est : « comment continuer la relation avec l’inconscient au-delà de l’analyse ? ».Il trouve certaines réponses dans « la fleur d'or » qu'il lit et étudie soigneusement.

Dans le commentaire sur le traité taoïste du « Mystère de la fleur d'or », Jung marque une étape importante de son œuvre. Il lui ouvre les portes des civilisations orientales qui en comparaison avec l'occidentale dont il est issu, feront basculer ses recherches sur les figures de l'inconscient vers quelques thèmes privilégiés.

Vous trouverez ci-dessous une résonance sur ces structures de l'inconscient de la pensée de C.G.Jung si prémonitoire et précieuse aujourd'hui.


1) DE L’Importance DE GARDER NOS RACINES

Jung commence son commentaire en soulignant à quel point sa sensibilité d’occidental ressent l’étrangeté du texte chinois. L’Esprit occidental est assis sur la branche de la science qui fait partie de notre capital de savoir, elle nous permet d’ouvrir plus de portes qu’à mains nues, mais le danger est de donner une valeur absolue aux découvertes de la science.


Or l’orient apporte une autre manière de comprendre : la compréhension à l’aide de la vie. Il s’agit de ne pas se réfugier derrière la science pour considérer que ce sont fumisteries de croyants ou d’ascètes arriérés, non, il s’agit de la fine fleur de l’intelligentsia chinoise qui au long des millénaires a vécu et pratiqué ses intuitions afin d’optimiser la santé et la présence de leurs congénères. Mais il ne s’agit pas non plus de tourner le dos à la science, de devenir un pitoyable imitateur de l’orient .


L’abandon de l’unique terrain sur de l’expérience occidentale est un danger qu’il mentionne a plusieurs reprises dans les commentaires en soulignant les raisons pour lesquelles il est absolument nécessaire que les européens restent ancrés dans leur culture.


2) on entre dans le vif du sujet.

DEUX RENVERSEMENT par rapport à la pensée occidentale :


2a) L’unité des contraires : « sous la pluie voir le soleil brillant, sous le soleil boire à la source fraîche », un oxymore « un silence bruyant », et les notions de YIN et de YANG

La puissance originelle du Yin est sombre, malléable, réceptive. Dans le Yi king Son image est la terre. C’est le complément du créateur, son complément et non son opposé, car il ne le combat pas mais il le complète. C’est la nature en face de l’esprit, la terre en face du ciel, le spatial en face du temporel, le féminin maternel en face du masculin paternel.


La puissance originelle du Yang est lumineuse, forte, spirituelle, active. Dans le Yi King son image est le ciel. La force est représentée comme n’étant pas liée à des conditions spatiales déterminées, elle est par suite conçue comme mouvement. Le fondement de ce mouvement est le temps.


2b) Les occidentaux regardent le monde à partir du conscient, les chinois à partir de l’inconscient.

Jung affirme : il ne fait pas de doute qu’à l’origine le conscient procède de l’inconscient.

Pour parvenir à comprendre cette inversion, il est intéressant de revisiter la notion d’Anima.

Dans la « dialectique du moi et de l’inconscient » (p.142 à 199) et dans le commentaire (p.56 à 61).

Le père et la mère restent chez l’enfant les êtres les plus influents. Mais à l’adolescence puis à l’âge adulte il lui faudra refouler et dissocier les influences reçues. Les séquelles psychologiques de son éducation sont ainsi refoulées hors du conscient et marquées le plus souvent d’une charge négative à cause des manquements de ses parents (p.143 :dialectique du moi et de l’inconscient).


Ainsi les Imagos parentales seront niées, refoulées et déposées dans une extériorité psychologique où elles resteront étrangères et ressurgiront dans un complexe autonome sous forme personnifiée. (164 dialectique du moi )


3) Complexe autonome : L’ANIMA

3a) la dialectique anima / animus

L’une des sources de la féminité présente en l’homme est non seulement l’influence réelle et décisive de ses différentes compagnes de vie, mères, sœurs, tantes mais aussi l’épouse qu’il choisit et qui correspond le mieux à la projection de la nature particulière de sa féminité inconsciente. Il y a en tout être humain les disponibilités psychiques de vivre un certain nombre d’expériences.


Le système vivant appelé homme est à priori adapté à la femme, axé sur la femme de la même façon qu’il est préparé à vivre dans ce monde où il rencontre l’eau, l’air, la lumière, les hydrates de carbone etc…


La forme et la nature du monde dans lequel l’être naît et grandit sont innées et préfigurées sous forme d’images virtuelles. Lorsqu’il rencontre une de ces données et qu’il la vit se produit un recoupement entre la disponibilité intérieure et le concret extérieur : sous ce choc révélateur la disponibilité inconsciente se trouve éveillée à la vie. Ces images virtuelles sont le résidu structurel, et non l’expérience vécue par la lignée ancestrale. Il existe donc dans l’homme une image collective héritée grâce à laquelle il appréhende l’essence féminine.


Chez l’homme : La compagne dans sa réalité différente et complémentaire, la projection de sa féminité sur une femme et l’image collective héritée de sa lignée forment un complexe psychique demi conscient possédant un fonctionnement partiellement autonome. L’anima.


L'Anima est différente de la persona qui elle est un ensemble compliqué de relations entre la conscience individuelle et la société, un masque adapté aux fins qui lui ont été assignées, fabriqué pour qu’il puisse créer une certaine impression sur les autres et en même temps cacher la nature vraie de l’individu. Parfois, le côté fort et social est compensé par des ennuis de santé et des peurs : ceci est un effet de l’anima qui s’oppose à la persona. En vue de l’individuation il est indispensable de se différencier de l’apparence qu’on incarne pour les autres et pour soi même. Il est également nécessaire de prendre conscience du système relationnel invisible qui relie le moi à l’inconscient, son anima afin de pouvoir se différencier d’elle. Cette désidentification ne se fait qu’au prix des plus grandes difficultés et des plus grands efforts parce que l’anima est invisible et difficile à cerner.

Cependant il est parfois possible d’appréhender les exigences incompatibles entre la vie intérieure et la vie extérieure où le Moi - jouet ballotté au gré des exigences extérieures - se sent coincé car en marge du Moi existe une autre instance difficile à déterminer due à ce jeu des contraires : ( P.162 dialectique du moi et de l’inconscient ) .

Il existe un lien qui réunit les contraires en des opposés. Sans lui il n’y aurait dans l’individu qu’un conglomérat de forces anarchiques :la voile qui s’élève dans l’axe de la quille du bateau. De ce lien entre les forces contraires dépendra la santé mentale ou la schizophrénie s’il fait défaut soit l’obsession (rigidité psychologique, raideur du comportement, morbidité de la pétrification).


3b) Tout complexe autonome présente la particularité de surgir sous forme d’une personnalité.

C’est également le cas pour l’anima, c’est pourquoi il est si évident de la projeter sur une femme surtout si l’anima est inconsciente car tout ce qui est inconscient est projeté.

P. 166 de la dialectique du moi et de l’inconscient

Comme notre conscient occidental, est pour l’essentiel orienté vers le monde extérieur et seulement réceptif à ce qui en vient, les éléments intérieurs gisent dans l’obscurité et demeurent dans l’ombre. Cette difficulté serait aisément surmontable si nous essayions d’élaborer et d’observer avec un effort soutenu et un esprit critique les matériaux psychiques qui apparaissent dans la vie privée.


Mais si je fais mien le point de vue que le monde est à l’extérieur et à l’intérieur, que la dignité du réel appartient tant à l’intérieur qu’à l’extérieur je suis bien contraint de concevoir les incompatibilités qui sourdent et les perturbations qui émergent de mon monde intérieur comme les symptômes d’une adaptation insuffisante aux conditions de ce monde intérieur et peut être également au monde extérieur. La confrontation dialectique avec l’anima est la première étape de la recherche et plus cette relation se fait intime et personnelle, mieux cela vaudra.

Pour un Européen moderne vivant dans son monde quotidien ce questionnement qui l’envoie dans le monde invisible le transforme en enfant des temps paléolithiques, c’est pourquoi il doit passer par une école maternelle des temps préhistoriques (telles que la psychothérapie, travail sur soi, etc...) pour acquérir des notions saines et exactes à propos des facteurs et des puissances de cet autre monde. Il faut élever le dialogue avec cet Anima ou cet Animus à la hauteur d’une véritable technique. Pour que nous soyons capables de nous entretenir avec nous-mêmes nous devons l’accepter comme un symbole de l’arriération qui nous caractérise. Tout l’art de ce dialogue intime consiste à laisser parler, à laisser accéder à la « verbalisation » le partenaire invisible. P 179 (dialectique). (Pour l’animus voir dialectique p. 195).


Dans la conscience chinoise Anima et Animus se séparent après la mort et vont leur propre chemin. Cela prouve que ce sont deux facteurs psychiques qui ont manifestement aussi des actions différentes. Bien qu’à l’origine ils soient une seule chose dans « une essence unique, opérante et véritable » ils sont deux dans la résidence du principe créateur.

Par ailleurs Jung défini l’anima comme une personnification de l’inconscient en général, et par suite comme un pont menant à l’inconscient, comme la fonction de la relation menant à l’inconscient. L’anima n’est pas une unité transcendantale mais une réalité pleinement perceptible qu'on peut expérimenter. Dans la définition chinoise, elle est nommée « PO », elle est chtonienne et sensible. Elle est l’énergie de ce qui est lourd et trouble, attachée au cœur corporel, charnel.

( P. 56 dans le commentaire). Dans « le secret de la fleur d’or », le conscient –la conscience personnelle- sort donc de l’Anima.


4 ) LE DETACHEMENT DE LA CONSCIENCE PAR RAPPORT A L’OBJET

Il s’agit d’un effet que CG Jung connaît de par sa pratique médicale, « c’est l’effet thérapeutique par excellence » : Il s’agit d’éradiquer l’indifférenciation entre le sujet et l’objet. Lorsque la revendication magique des choses cesse, l’inconscient n’est plus projeté et par suite la « participation mystique » Lucien Lévy-Brühl[3] des choses est abolie. Mais c’est d’une différenciation qu’il s’agit et non d’une élimination, il est essentiel de ne rien ôter à la réalité de l’inconscient et de comprendre les figures de ce dernier comme des grandeurs agissantes.


Il semblerait qu’en Occident la participation mystique soit moins visible parce que le centre de gravité de la personnalité, du moi est supposé être intégré à la conscience. Or la superstition, les objets ou actes porte bonheur sont des conduites apotropaïques[4] très présentes dans nos sociétés et depuis longtemps.

Jung parle d’un « déplacement du centre de gravitation du moi, un point virtuel entre le conscient et l’inconscient : le SOI .


Dans le secret de la fleur d’or cette transformation est décrite sous des termes tels que « corps de diamant ou fruit sacré ». La volonté vitale du disciple est dirigée vers une conscience sans contenu qui permet toutefois à tous les contenus d’exister. Est ainsi recherché un état psychique dans lequel la conscience se retire et se détache du monde. La conscience est vide et non vide (on retrouve la dualité), elle n’est plus remplie par les images des choses elle en est simplement le contenant.

Jung, lui, parle de la production et de la naissance d’une personnalité supérieure dont l’attitude est soustraite à l’absorption totale dans les émotions, aux chocs absolus et aussi d’une conscience détachée du monde. Pour lui il s’agit d’une préparation à la mort qui psychiquement est aussi importante que la naissance et qui constitue comme elle une partie intégrante de la vie.


Le 6 Juin 1961 à quatre heures de l'après midi Carl Gustav Jung meurt dans sa maison de Küsnacht à l'âge de 86 ans.

Malgré tous les efforts qu'elle lui coûte, on est stupéfait de l'activité épistolaire qu'il continue à déployer afin de s'expliquer encore et toujours sur sa conception de la psychologie ou d'émettre sans cesse de nouvelles hypothèses.


Il est entré dans cette solitude dont il disait, voici déjà des décennies, qu'elle était une attitude et un devoir spirituels. Il se dirige vers sa mort - cette mort que ses rêves de 1944 lui ont révélée comme union mystique ; cette mort à quoi préparait tout son processus d'individuation ; cette mort où, selon lui, la psyché ne disparaît peut-être pas puisqu'elle se trouve "au-delà du temps et de l'espace" et à l'approche de laquelle il faut pourtant se conduire comme si l'on était immortel.


Leçon bouleversante que celle de ce vieillard qui accepte profondément son destin sans jamais en rabattre sur sa dignité d'être homme : c'est peut-être qu’à l’instar de Lu Tsou dans le « secret de la fleur d’or » qui est une mise en pratique et un art de vivre au quotidien, au travers de la réflexion, de la méditation, d’un travail d’alchimie interne (Nei Tan) , et de pratiques de longue vie, la psychologie n'est pas seulement une science pour Jung, elle est aussi une éthique et un art de vivre et de mourir.


[1] la synchronicité est l'occurrence simultanée d'au moins deux événements qui ne pré-sentent pas de lien de causalité, mais dont l'association prend un sens pour la personne qui les perçoit.


[2] Le tao est la force fondamentale qui coule en toutes choses dans l’univers, vivantes ou inertes. C'est l’essence même de la réalité et par nature ineffable et indescriptible.


[3] (philosophe, sociologue et anthropologue) né le 18 avril 1857 mort 13 mars 1953 a nommé : « La Participation Mystique » dans son travail sur la mentalité primitive.( Ethnologie (1910 - 1938).

· Les fonctions mentales dans les sociétés inférieures (1910),

· La mentalité primitive (1922),

· L'âme primitive (1927),

· Le surnaturel et la nature dans la mentalité primitive (1931),La mythologie primitive (1935),



[4] Grec : qui détourne le danger, qui protège. Superstitieux lorsqu’il s’agit d’une personne.


[5] (philosophe, sociologue et anthropologue) né le 18 avril 1857 mort 13 mars 1953 a nommé : « La Participation Mystique » dans son travail sur la mentalité primitive.( Ethnologie (1910 - 1938).

· Les fonctions mentales dans les sociétés inférieures (1910),

· La mentalité primitive (1922),

· L'âme primitive (1927),

· Le surnaturel et la nature dans la mentalité primitive (1931),La mythologie primitive (1935),


[6] Grec : qui détourne le danger, qui protège. Superstitieux lorsqu’il s’agit d’une personne.


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